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Acclimatation de bananiers en Alsace; 1ère partie

Les plantes principales de mes conceptions, sont des plantes que j'ai testées dans mon jardin et dont je connais les spécificités de culture et de résistance au froid. Cet article en est une illustration.

Voici un article que j’ai écrit pour la revue de la Société Française d’acclimatation PlantÆxoticA n° 26 - avril-mai-juin 2019. (Modifié le 18/01/2021)

Les bananiers sont à l’origine de mon goût pour les plantes exotiques. Je me souviens qu’adolescent je les admirais dans les massifs créés par les jardiniers municipaux des villes et villages autour de chez moi, en Alsace.

A l’époque, les massifs floraux étaient souvent constitués d’une masse de fleurs (pélargoniums, pétunias…) et d’une plante sculpturale au centre. Cette plante était, en général, un palmier, un alocasia ou un bananier. Ces plantes exotiques étaient toujours en pot et rentrées en serre pendant la saison froide.

Le bananier est donc tout naturellement la première plante exotique que j’ai plantée dans mon premier jardin.

Lors de la création du jardin actuel, en 1998, autour de ma nouvelle maison, j’ai donc commencé par transplanter le Musa basjoo provenant du premier jardin.

Les bananiers m’ont immédiatement attiré par leur aspect tropical, luxuriant. A l’époque, dans les années 1990, les Musa basjoo commençaient à apparaître dans la région. C’est un jardinier d’un village voisin qui m’a donné le rejet qui deviendra mon premier plant, en 1996 ; il m’a aussi expliqué comment réaliser la protection hivernale. Je me suis ensuite fait ma propre expérience, qui m’a conduit à modifier la technique.

Dans les lignes qui suivent, je vous propose de partager mon expérience sur l’acclimatation des taxons qui ont survécu. A part M. basjoo, je me suis fait ma propre expérience en acclimatation de bananiers, ne connaissant aucun collectionneur de ces plantes en climat froid. Cette expérience pourra intéresser les acclimateurs soumis à une situation climatique similaire.

Mon climat

Il y a plusieurs microclimats en Alsace, qui jouit globalement d’un climat semi-continental, sous influence océanique – les hivers sont froids et secs, les étés chauds et de plus en plus secs.

Le mien est celui dit « de Colmar ». L’effet de foehn des Hautes Vosges a pour conséquence que notre région est une des plus sèches de France. La pluviométrie annuelle moyenne, si l’on excepte 2018 (la plus chaude depuis le début du XXe siècle, avec un été et un automne particulièrement sec), est de 576 mm (contre près de 1 000 à Epinal, de l'autre côté des Vosges). La durée d'ensoleillement moyenne, toujours en exceptant 2018, est de 1 800 heures par an, bien supérieure au reste de la région.

Du fait du réchauffement climatique, le nombre de jours de gel est de 80 jours/an, en chute de 25 jours en cinquante ans. Le nombre de jours avec chute de neige est passé de 27 il y a cinquante ans à 5-10 jours ces dernières années.

Les températures minimales en hiver remontent aussi nettement. Les - 18 à - 20 °C étaient courants dans les années 1950-1960, et la température la plus froide de ces dernières décennies fut de - 24 °C en févier 1986. Mais, l’hiver dernier, la température minimale a été de - 4 °C, et de - 7 °C et - 11 °C pour les deux hivers précédents…

Nous sommes en zone climatique USDA 7b ou 8a selon les sources. Les plantes que l'on peut protéger de cette façon, sont données pour un climat de zone 8b, 9, voir 10.

Espèces acclimatées

Je vous propose de passer en revue les espèces qui ont résisté, avec quelques commentaires. L'année indiquée entre parenthèses est celle de la plantation ; la température est celle que la plante a subie avec une protection hivernale telle que décrite dans la suite de l’article. Sachant, que les premières années, les protections n’étaient pas très au point… Elles laissaient passer le vent, et parfois aussi la pluie.

Musa basjoo et cannas

Musa basjoo et Canna Marabout

Musa basjoo (1996 ; - 18-20 °C)

On ne le présente plus : c’est probablement le plus commun des bananiers de nos jardins. On l’appelait « bananier du Japon », mais on sait maintenant qu’il est originaire de Chine. Sa réputation est d’être le plus rustique, et je pense tel est bien le cas.

 

Musa basjoo 'Sakhalin' (2015 ; - 12 °C)

Il est considéré comme plus rustique que l’espèce type, mais je ne vois pas de différence. Sa croissance est plus lente.

Musa basjoo 'Sapporo' (2003 ; - 18-20 °C)

Sa rusticité est similaire à l’espèce type, mais son port est compact. Il culmine à 2 m en fin de saison, contre 3,5 m pour M. basjoo.

Musa basjoo Saporro
Musa basjoo x hybridum

Musa basjoo × hybridum (2003 ; - 18-20 °C)

Commercialisé par Tropicaflore, son origine est inconnue. Son apparence est pourtant différente de l’espèce type. Les feuilles sont un peu plus claires et plus épaisses. Sa croissance est plus vigoureuse. Il rejette davantage. Je recommande fortement.

Musa basjoo 'Freddi Banane' (2013 ; - 12 °C)

Selon son obtenteur, Robert Psenner, dans les Dolomites, il serait le résultat du croisement de M. basjoo et d’un bananier népalais, ce qui allierait ainsi les deux qualités de résistance au froid et de croissance rapide. Il prétend aussi que ses fruits sont comestibles, ce qui est faux ; j’en atteste. Par contre, son apparence est différente, avec des feuilles plus grandes et des rejets plus nombreux. Sa vitesse de croissance, quant à elle, est vraiment supérieure ; il dépasse l’espèce type d’environ 1 m en fin de saison. Je n’ai pas constaté de différence de rusticité. Il rejette davantage. Je recommande fortement.

Musa basjoo Freddi banane
Musa basjoo tchetchenia

Musa basjoo 'Tchetchenia' (2021 ; - 8 °C)

Cette variété a été découverte dans le pays du même nom par Jean-Luc Penninckx, qui l’a reproduite et commercialisée en Europe. Son apparence est également différente de l’espèce type, avec des feuilles plus grandes, légèrement ondulées, et des rejets plus nombreux. Sa vitesse de croissance est similaire, voir supérieure à ‘Freddi Banane’ ! Je n’ai pas constaté de différence de rusticité, mais je n’ai pas de recul. Je recommande fortement, aussi.

Musa sikkimensis (2011 ; - 18 °C)

Il est originaire du Nord-Est de l’Inde, dans l’Himalaya, à 2 200 m. On le trouve aussi dans les montagnes du Nord de la Thaïlande. Sa rusticité est inférieure à M. basjoo. Les hivers les plus rigoureux lui ont fait pourrir les deux ou trois méristèmes existants ; il est finalement reparti à partir des rhizomes.

Après quelques hivers doux, il a finalement rattrapé les M. basjoo. Dans son milieu d’origine, sa taille est similaire à celle de cette dernière espèce.

Musa sikkimensis (à droite) et M. basjoo 'Freddi Banane' (à gauche) après une petite gelée en 2016. On remarque la différence de rusticité.

Freddi Banane et Sikkimensis
Sikkimensis Red Tiger

Musa sikkimensis 'Red Tiger' (2011 ; - 18 °C)

Il se comporte en tout point comme l’espèce type. Ses striures rouges, plus nombreuses que sur celle-ci, disparaissent avec le temps et je ne vois plus de différence après quatre ou cinq ans.

Musa sikkimensis 'Darjeeling Giant' (au centre) et 'Manipur' (à gauche)

Musa sikkimensis 'Darjeeling Giant' et ‘Manipur’ (2020 ; - 4 °C)

Ce sont des variétés très proches de ‘Red Tiger’. Leur aspect décoratif est indéniable et leur croissance rapide, si le sol leur convient.

Musa sikkimensis 'Darjeeling Giant' et ‘Manipur’
M Sikkimensis ever red

Musa sikkimensis 'Ever Red' (2020 ; - 4 °C)

C’est une mutation génétique obtenue et commercialisée par la pépinière « A l’ombre des figuiers ». Ses tigrures sont plus larges que ‘Red Tiger’ et les autres. Elles restent aussi plus longtemps, mais finissent par disparaitre sur les sujets adultes. Très ornemental tout de même, je conseille aussi.

Musa sp. ‘Helen's  Hybrid’ (2015 ; -12 °C)

Musa sp. ‘Helen's Hybrid’ serait un croisement naturel entre M. ‘Chini Champa’ et M. sikkimensis. Il a été découvert sur les contreforts de l’Himalaya, dans la province de Darjeeling, à des altitudes de 1 400 à 1 700 m. Je n’ai pas non plus assez de recul pour parler de sa rusticité mais il a, en tous les cas, résisté à - 12 °C. Il est très beau, avec le dessous des jeunes feuilles rouges ; c’est un bananier que je conseille fortement.

Musa Helen's Hybrid
Mekong Giant

Musa itinerans var. xishuangbannaensis 'Mekong Giant' (2017 ; - 7 °C)

Celui-ci est un géant (stipe jusqu’à 12 m) montagnard (jusqu’à 1 600 m dans le Yunnan, au-dessus du Mekong). Il annonce la couleur tout de suite, dès la première année de plantation. Sa vitesse de croissance est spectaculaire : 3 m en deux saisons (à partir d’une plante de 30 cm). Il envoie de longs rhizomes (jusqu’à 5 m) autour de lui. Son pseudo-tronc a de beaux reflets violacés. Ses feuilles sont d’un non moins beau vert vif et le dessous est teinté de rouge. Ses fruits n’ont semble-t-il pas d’intérêt gustatif. Je n’ai pas assez de recul pour juger de sa rusticité ici, mais je le conseille également.

Musa ‘Himalayan Mountain’ (2017 ; - 7 °C)

Voici un autre rude montagnard découvert dans l’Himachal Pradesh, dans l’Himalaya, à 1 750 m. Ses fruits sont comestibles.

 

Musa sp. 'Hajaray' (sikkimensis × 'Rajapuri') (2017 ; - 7 °C)

Il vient du Nord-Est de l'Inde, au pied de l'Himalaya, dans la région de Kalimpong.

Sa rusticité est clairement inférieure à celle de M. basjoo : il redémarre avec quelques semaines de retard, au printemps. Mais sa grande vitesse de croissance compense ce handicap.

Je tente son acclimatation car il produit de délicieux fruits comestibles. Je croise les doigts pour que les prochains hivers ne soient pas trop durs.

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Musa sp. ‘Malbhog’ (2017 ; - 7 °C)

Il est cultivé dans le Nord-Est de l’Inde.

J’ai peu de recul, mais son développement semble rapide. Son pseudo-tronc et ses feuilles sont très clairs. Ses fruits sont également comestibles.

Musa sp. ‘Dhusray’ (2017 ; - 7 °C)

Il est, lui aussi, cultivé dans le Nord-Est de l’Inde et aurait dans ses gênes du M. ‘Orinoco’ et du M. balbisiana. C’est de ce dernier qu’il tirerait sa rusticité. Mêmes commentaires que pour le précédent.

Musa sp. ‘Tibet’ (2018 ; - 4 °C)

Un haut montagnard de plus, originaire de la zone frontalière entre la Birmanie, le Tibet et le Yunnan, à 2 800 m. Découvert récemment, en 1991, dans la vallée du Yangtsé (Yunnan), il donnerait des bananes comestibles.

Il vient de passer son premier hiver dehors. Je vous donnerai des nouvelles dans les années qui viennent.

Musa Dhusray

Musa sp. ‘Dhusray’

I

Musa sp. ‘Dhusray’

Ensete ventricosum maurelii

Ensete ventricosum ‘Maurelii’

Espèces dont l’acclimatation a échoué

Je n’ai pas noté précisément les années ni les températures, mais voici la liste des échecs : Ensete glaucum et E. ventricosum ‘Maurelii’, Musa ‘Chini Champa’, M. yunnanensis, M. nagensium, M. ‘Red’ et Musella lasiocarpa. Pour la plupart de ces victimes, le résultat était prévisible, mais j’ai tendance à tenter quand même. Dans le cas de Musella lasiocarpa, j’ai même fait plusieurs tentatives.

Culture

La terre de mon jardin est argilo-alluviale et calcaire, ce qui paraît bien convenir aux bananiers. Elle retient l’eau ; tous les massifs de bananiers sont dans des emplacements bien drainés : talus ou fossés de drainage – de l’eau stagnante en hiver ferait pourrir les souches. Toutes les espèces ont les mêmes besoins : de la chaleur, un sol riche et beaucoup d’eau en période de croissance. Je dépose sur la terre, tous les printemps, du fumier de cheval (environ 10 cm sur un rayon de 50 cm autour de chaque pied, recouvert d’un paillis) ou du compost.

Ici, la meilleure période de plantation se situe fin mai et juin. Les risques de gelée sont passés et la plante a toute la belle saison pour bien s’implanter.

Pour la plantation, je conseille de faire un trou de 80 cm x 80 cm et de 30-40 cm de profondeur, et de le remplir d’un compost bien décomposé ou de terreau pur. Les racines étant peu profondes, il n’est pas nécessaire de creuser d’avantage, sauf en cas de besoin de drainage.

La terre doit rester mouillée, jusqu’à une profondeur de 30 cm, en période de croissance, lorsque la température est supérieure à 20 °C et la terre chaude. A titre d’exemple, un groupe de trois ou quatre grands stipes a besoin de 30 à 50 litres d’eau un jour sur deux.

La croissance du pied mère est plus rapide si on enlève les rejets. Si on les laisse « accrochés » à leur mère, c’est leur croissance à eux qui est beaucoup plus rapide. Donc, il n’y a pas de règle : tout dépend du résultat espéré. Si le but est de faire pousser un pied le plus vite possible dans la saison, il faut lui enlever ses rejets. Si le but est de produire des plants à partir des rejets, il vaudra mieux attendre qu’ils aient atteint une cinquantaine de centimètres, avec des racines pour les prélever. De façon générale, je conseillerais plutôt de

laisser les rejets ; ils prendront la relève du pied mère. De plus, une souche très dense, pleine de rejets, aura plus de chances de survie dans le cas d’un hiver très rude. Dans tous les cas, il faut éviter d’ouvrir une plaie après le mois d’août.

Les M. basjoo produisent quelques régimes tous les ans, mais aucune de mes espèces comestibles n’a produit jusqu’à présent ; ce sera peut-être pour cette année… La maturation d’un régime dure quatre mois : ce sont donc les inflorescences de mai-juin qui auront une chance de produire des fruits mûrs à l’automne. Pour accélérer la maturation, les producteurs entourent le régime d’un sachet de plastique perforé dès que les bananes sont formées. Ensuite, il leur est toujours possible de terminer la maturation à l’intérieur : les bananes qu’on achète mûrissent sur les étals des magasins. Il est également possible de tester la technique du fruit mûr (pomme ou banane) dans le même sachet pour accélérer le phénomène : en effet ces fruits mûrs dégagent de l’éthylène, qui fait mûrir les fruits verts.

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